Eco-Service #9 : Interview de Florie Bugeaud

Eco-Service #9 : Interview de Florie Bugeaud

Aujourd'hui, nous vous présentons Florie Bugeaud-Remond, Docteur   &   Experte en design de services.

[Interview]

Quel est votre parcours ?

J’ai une formation initiale en informatique et gestion des entreprises. Mon entrée dans l’univers du service s’est faite lors de ma thèse de doctorat à l’Université de Technologie de Troyes et en CIFRE chez France Télécom R&D. D’abord orienté modélisation de services dans un contexte de conception, mon sujet de thèse a rapidement fait émerger deux problématiques bien plus amont : d’une part le concept même du « service » encore très sous-spécifié à l’époque et d’autre part la difficulté à faire collaborer des disciplines variées autour de la phase initiale de recherche d’opportunités.

J’ai donc soutenu en 2011 la première thèse en France associée au domaine de la Science des Services avec la proposition d’un cadre conceptuel et pratique autour de la notion d’agencement serviciel au sein d’un paradigme de la relation et de la dynamique. Sans entrer dans les détails (!), ces travaux m’ont emmenée dans l’univers du design de services dont la démarche est fondamentalement centrée sur l’humain et collaborative.

J’ai par la suite mené des projets de conception de services dans différents secteurs dont l’aéronautique. J’ai été amenée à mettre en place un processus adapté, former et mener une équipe pluridisciplinaire dédiée, piloter et accompagner des projets allant de l’idée au service industrialisé et commercialisé, embarquer les métiers internes et bien entendu des clients pilotes...

En revanche, mon intérêt pour la question environnementale est d’abord apparu dans ma sphère privée. Je dois dire que devenir maman a modifié mes perceptions et mes priorités ! Puis le lien avec mon métier s’est très vite imposé à moi. Être designer de services signifie placer l’humain au cœur de ses préoccupations, chercher par tous les moyens à concevoir pour lui une expérience qui soit la plus adaptée à ses besoins et la plus mémorable possible. Comprendre ses attentes et ses douleurs, tenir compte du contexte dans lequel il se trouve, co-créer avec lui ses services et solutions de demain…tout cela est fascinant et il est possible de donner encore plus de sens à cette approche. Je prône aujourd’hui une approche systémique et responsable pour éco-concevoir des services qui doivent tenir compte de manière sincère et symétrique des besoins et enjeux des clients mais également des collaborateurs. 


Comment avez-vous découvert l'initiative du Pôle concernant l'éco-conception de service ? 

C’est une publication LinkedIn qui m’a mise sur la piste du Pôle Éco-Conception, ou plutôt remise sur la piste ! J’avais découvert l’association en 2012 dans le cadre du colloque Éco-Conception auquel j’avais participé. Mais ce post concernant les services au mois de juin dernier a retenu toute mon attention étant moi-même en pleine réflexion sur le sujet. Il est encore très rare de lire des articles sur la question des services dans le monde de l’éco-conception et inversement, en tout cas à ce niveau d'abstraction.

Cette initiative m’a donc beaucoup intéressée et j’ai naturellement lu l’ensemble des articles du Pôle sur le sujet et contacté les auteurs du guide afin d’en savoir plus. J’ai découvert qu’un premier guide avait été réalisé en 2012, mettant en place quelques notions clés. Par la suite nos échanges ont été très riches car basés sur nos expériences et compétences très complémentaires.

 
Aviez-vous déjà vu le terme éco-conception de service auparavant ?

Oui mais pas au niveau d’abstraction auquel nous nous trouvons ici. Depuis quelques années la littérature regorge d’éléments sur l’éco-conception de services numériques ou sur la question des Systèmes Produit-Service. Les communautés associées, en particulier pour les services numériques, sont dynamiques et ont créé des événements à présent reconnus.

Mais considérer le service en tant que système complexe et relationnel relève d’un autre niveau d’analyse et d’un autre questionnement. Cela permet d’envisager la création d'une démarche d’éco-conception des services de plus haut niveau. D’autant plus que, comme l’indique très bien le guide, la part des services dans notre économie et notre société devient prépondérante. Les entreprises, qu’elles soient de service ou industrielles mais avec la volonté de se diversifier par les services, qu’elles soient déjà sensibles à la question environnementale ou non, vont avoir besoin d’un cadre et d’une démarche adaptée à cet objet intangible, relationnel et expérientiel.

Le design de service prend en compte les différentes facettes d'un service (humaine, physique, géographique, temporelle, technique, économique, etc.) mais peine encore à y associer les dimensions « écologique, éthique et responsable ». L’approche est pourtant tout à fait appropriée pour le faire et le diffuser.

 
Après lecture du guide, que retenez-vous et quelles seraient les suites à donner selon vous ?

J’ai retrouvé dans ce guide des éléments d’état de l’art qui avaient nourri mon travail de thèse il y a plus de 10 ans. Ils sont des fondamentaux importants qu’il est nécessaire de prendre en compte pour bien appréhender la logique servicielle et être capable de créer une démarche d'éco-conception adaptée à ses caractéristiques.

Les points forts du guide sont la mise en perspective des différences entre produit et service, l’introduction des notions d’« unité de service rendu » et de « micro-dimensionnement » et bien entendu la réflexion sur un cycle de vie et une démarche adapté aux services et leur dimension relationnelle. L’approche « nudge » m’a particulièrement intéressée car elle fait écho à l’usage des sciences cognitives en design de services et elle s’avère être un outil utile dans certain cas de conception des points de contact du service.

Il faut, à mon sens, continuer à montrer les impacts environnementaux des services et bien entendu pour poursuivre le travail un peu théorique initié dans ce guide. Cela va nécessiter que nous, designers de services, et les spécialistes de l’éco-conception coopérions dans les mois à venir. Descendre à une maille plus fine, interfacer les réflexions autour du cycle de vie avec la démarche de conception de services, travailler sur les méthodologies et outils...autant de chantiers à mener et à partager au sein de nos communautés.

Mais plus que tout, il faut compléter tout cela par un travail très précis sur des cas concrets. Ces cas permettront de tester et faire la démonstration des méthodologies et outils proposés, de valider ou invalider les hypothèses émises et enfin de confirmer et partager une démarche d’éco-conception de services robuste, à la fois duplicable et très personnalisable. Pour cela, nous aurons besoin de partenaires industriels et serviciels ayant à cœur de s’inscrire dans une telle démarche.

POUR EN SAVOIR PLUS SUR L'ECO-CONCEPTION DES SERVICES


Tout au long de l’élaboration du guide sur « L’éco-conception des Services », le Pôle publiera régulièrement des articles tels que celui-ci relatant les questions que peuvent amener la réflexion sur une démarche d’éco-conception de service.

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Auteur de la page
Marion Gallet

Assistante de communication

Modérateur
Loïs Moreira

Ingénieur en éco-conception