L’éco-conception : un concept obsolète ?

L’éco-conception : un concept obsolète ?

Apparue dans les années 1990, l’éco-conception est une démarche dont l’objectif est de garantir des produits, des services, des systèmes, des modèles économiques plus respectueux de l’environnement.

Depuis 25 ans, je travaille au déploiement de l’éco-conception qui, enfin, commence à être diffusée et reconnue dans les entreprises de manière plus large et plus concrète.

J’observe aussi l’émergence de plus en plus fréquente de divers concepts qui ont pour objectifs soit d’englober soit de remplacer l’éco-conception. Cependant, la plupart se sont souvent révélés être soit des lignes directrices d’éco-conception, soit des modèles économiques en tant que tels.

C’est pourquoi il me semble aujourd’hui important de rappeler que l’éco-conception n’est pas un concept qui pourrait être balayé par un autre, mais bien une méthode qui évolue au fil du temps. La manière d’éco-concevoir actuelle n’est pas la même que celle des années 1990 ni la même que celle des années à venir puisqu’elle s’enrichit continuellement de ce qui l’entoure.

Pour rappel, en 2015, l’Agenda mondial du développement durable a fixé 17 objectifs de développement durable (ODD) à atteindre d’ici 2030. Le douzième objectif de développement, l’ODD 12, vise à encourager des pratiques de consommation et de production durables. Il invite producteurs, consommateurs, communautés et gouvernements à revoir leurs comportements en matière de consommation, de production et de gestion des déchets, tout en tenant compte des impacts environnementaux et sociaux à chaque étape de la chaîne de valeur des produits.

Située à l’interface entre les modes de consommation et les modes de production, l’éco-conception aide à structurer le marché des produits et services en utilisant une approche basée sur le cycle de vie et des critères tangibles.

Ponctuelle ou intégrée, la démarche d’éco-conception est fondée sur plusieurs principes. Des approches multicritères et multiétapes permettent d’avoir la vision la plus globale possible des impacts environnementaux d’un produit ou d’un service, et de piloter les transferts de pollution potentiels, tout en tenant compte des parties prenantes de l’entreprise. La démarche d’éco-conception propose des outils qui diffèrent selon les types de produits et les filières industrielles afin d’évaluer au mieux les impacts environnementaux afférents. Elle interroge les besoins des clients et fait évoluer la raison d’être d’une entreprise. Comprenant plusieurs niveaux, la démarche d’éco-conception peut soutenir les modèles économiques bâtis sur la circularité des matières, l’allongement de la durée de vie d’un produit (au moyen du réemploi, de la réutilisation, de la réparabilité…) et l’intensification de son usage (via l’économie de la fonctionnalité, par exemple).

Le champ d’application de l’éco-conception est lié aux moyens, à l’ambition et à la maturité de l’entreprise qui la déploie. Dans une démarche d’éco-conception, une entreprise peut privilégier un développement économique basé sur un ancrage territorial et faire porter ses efforts sur la réduction des impacts environnementaux locaux du produit, du service ou du système qu’elle propose (la démarche peut permettre d’évaluer s’il vaut mieux s’approvisionner chez un fournisseur voisin mais polluant ou chez un fournisseur éloigné mais vertueux) ; une entreprise peut inclure l’étude des impacts sociaux (comme les conditions de travail) et mettre en œuvre une démarche d’éco-socio-conception ; une entreprise peut aller jusqu’à modifier son modèle économique et passer de la vente d’un produit à celle d’un service, par exemple. Ainsi, la démarche d’éco-conception peut s’appliquer à un produit comme à un service dans une société où l’utilité des produits et la logique de propriété sont de plus en plus remises en question, où consommer de manière responsable devient nécessaire.

Comme toute démarche, l’éco-conception présente des limites, notamment en ce qui concerne la définition d’un produit ou d’un service éco-conçu. Le choix d’apposer la mention « éco-conçu » revient au metteur en marché lui-même, sans « seuil » imposé, or cette mention n’est pas toujours en adéquation avec les problématiques et les enjeux environnementaux. Toutefois, I'Écolabel européen, dont le cadre identifie les meilleures pratiques pour un produit ou un service donné, émet des seuils qui définissent le niveau minimum attendu pour pouvoir avancer qu’une offre est éco-conçue.

Depuis quelques années, une des pistes de réflexion consiste à relier le développement de produits et de services et les limites planétaires pour tenter de définir des seuils minimaux et ainsi proposer une définition robuste de la mention « éco-conçu ». Cependant, la prise en compte des limites planétaires nécessite un cadrage politique et réglementaire qui va au-delà de l’entreprise : des choix politiques doivent être pris pour allouer les besoins au regard des ressources et de la durabilité.

L’éco-conception, un concept ? Non, l’éco-conception est une démarche environnementale en perpétuelle évolution. Depuis sa création, elle s’améliore et se consolide. Certes, la démarche n’est pas complète, mais elle est pragmatique, adaptée aux moyens des entreprises, et a pour objectif de réduire concrètement les impacts environnementaux des produits, des services et des systèmes. Sa nature même lui permet de soutenir les nouveaux concepts et modèles économiques, tout en agissant comme un prisme d’analyse visant à les perfectionner.

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Auteur de la page
sonia chouai

Modérateur
Maëline Touron